Mon enfance
Mon enfance passaDe grisailles en silencesDe fausses révérencesEn manque de bataillesL'hiver j'étais au ventreDe la grande maisonQui avait jeté l'ancreAu nord parmi les joncsL'été à moitié nuMais tout à fait modesteJe devenais indienPourtant déjà certainQue mes oncles repusM'avaient volé le Far West
Mon enfance passaLes femmes aux cuisinesOù je rêvais de ChineVieillissaient en repasLes hommes au fromageS'enveloppaient de tabacFlamands taiseux et sagesEt ne me savaient pasMoi qui toutes les nuitsAgenouillé pour rienArpégeais mon chagrinAu pied du trop grand litJe voulais prendre un trainQue je n'ai jamais pris
Mon enfance passaDe servante en servanteJe m'étonnais déjàQu'elles ne fussent point plantesJe m'étonnais encoreDe ces ronds de familleFlânant de mort en mortEt que le deuil habilleJe m'étonnais surtoutD'être de ce troupeauQui m'apprenait à pleurerQue je connaissais tropJ'avais l'œil du bergerMais le cœur de l'agneau
Et mon enfance éclataCe fut l'adolescenceEt le mur du silenceUn matin se brisaCe fut la première fleurEt la première filleLa première gentilleEt la première peurJe volais je le jureJe jure que je volaisMon cœur ouvrait les brasJe n'étais plus barbare
Et la guerre arriva
Et nous voilà ce soir.