Le Vieux Piano
Un piano est mortEt celle-là l'aimait...Quand elle était jeuneet quand elle venait se soûler le dedans de pathétiqueEn se frottant au piano nostalgique,
Qu'il était beau, le piano, bon piano,vieux piano des copains.À l'époque des copains,Chez Bianco l'Argentin,Vers trois heures du matinQuand elle buvait son demi d'oubli…
Et seule, maintenant,Elle pense au vivantDe ce vieux piano mort.Elle voit, elle entendLes messes de ses vingt ansTomber d'un accord…
Au bar, quand elle boit,C'est vrai qu'elle revoitDes mains sur l'ivoire blanc,Les mains de Bianco,Des mains qui lui font cadeauD'un peu du vieux temps
Mais dans son jean,Un fantôme en blue jean,Un deuxième et puis vingtQui discutent en copainsD'un bistrot démodéD'un piano démodé.Elle a crié : « Moi je sais ! Moi je sais ! »
Elle va raconterL'histoire enferméeDans le vieux piano mortEt c'est l'aventureQui bat la mesureDe plus en plus fort.
Au clair de la vie,Les mains des amis,Les yeux des lendemains,La vie devant nous,L'amour, et puis toutEt tout, et plus rien…
Ils sont tous mortsAu milieu d'un accord.Ils sont morts dans Ravel,Dans un drôle d'arc-en-ciel.Un soldat est entré...Un soldat est entré…
Un piano est mort, et celle-là l'aimait,Quand elle était jeuneet quand elle venait se soûler l' dedans de pathétiqueEn se frottant au piano nostalgique...