Le Surveillant général
En ce temps-là,monsieur le surveillant des classes secondairesétait un peu efféminé.En ce temps-là,je lisais le Grand Meaulnes et après les lumières,je me faisais plaisir,je me faisais dormir.Je m'inventais un monderempli de femmes aux cheveux roux.J'ai dit de femmes, pas de jeunes filles.
Cette année-là,je n'oublierai jamais le regard de vipèreque m'avait lancé ce vieux rat.Cette année-là,j'avais posé les yeux sur la croupe incendiairede ma professeure de droit.Elle avait mis le feu en moi,j'avais avalé la lumière.J'aurais aimé la Terre entière,seulement les femmes, pas les jeunes filles.
Pauvre de moi,monsieur le surveillant des classes secondairespassait ses nuits à espionner.Pauvre de moi,du couloir des secondes au dortoir des premières,comment les jeunes étaient couchés,bien sur le dos les bras croiséssur la couverture de laine,des fois qu'on aurait des idées,pauvre taré, pauvre chimère.
C'est pourtant làque durant des années j'ai rêvé d'adultèresque je n'ai jamais consommés.Et chaque nuitquand je tiens dans mes bras une femme trop fièrequi se refuse à me donnerun peu plus que le nécessaire,parce que j'hésite à la défairede son carcan de préjugés,parce que je n'ai pas la manière,j'ai presque envie de lui confierqu'en ce temps là,j'avais un surveillant des classes secondairesmais ça la ferait rigoler.