Si j'étais
Et si j'étais bizarre,Comment dire asexué,Un peu comme un roseauQu'on aurait déplanté
Et puis qu'on aurait misTout au fond d'un jardinAvec de vieux outils,Près de la niche au chien,
Si j'avais le teint clairEt la peau transparenteEt de grands yeux ouvertsEt qui jamais ne mentent,
Des dents de magazineEt des lèvres de marbre,Des prénoms masculinesEt presque pas de barbe,
Et si j'aimais les femmesJuste par couverture,Non pas celles du lit,Celles qui couvrent l'armure,
Qu'il me faut pour survivreAux journaux racontars,A tous ceux qui n'croient pasQue lorsque vient le soir
J'n'ai jamais eu besoinPour dormir d'autre choseQue du corps bois de roseDe ma première guitare.
Et si j'étais violence,Comment dire cuir métal,Le rêve en fer de lance,Le coeur tatoué de balles,
Un sang qu'on ne peut plusMaintenir dans ses veines,Un bouillon malfaisantPlus pollué que la Seine,
Et si j'étais sournoisAu point que les méchantsMe parlent à demi-voixEt m'écoutent en tremblant,
Et si je jouais l'amiPour étouffer, meurtrir,Si je jouais le gentilJuste pour me faire rire,
Si derrière mes lunettesJ'avais peur de vous voir,Si j'avais dans la têteComme un grand drapeau noir,
Une envie d'être seul,Sans femme et sans enfant,Si je changeais ma gueule,Si j'avais du talent,
J'n'aurais pas eu besoin,Pour les mots que j'ai dits,De vos faux coups de mains,De vos points sur mes i.
Et si j'étais timide,Comment dire emprunté,Un oiseau dans le vide,Un robot débranché,
Et si j'n'étais au fond,Après tout c'que j'ai dit,Qu'un soldat de cartonQui n'a pas d'ennemi,
J'n'aurai pas eu besoin,Pour chanter mes chansons,De vos coeurs sur mes mains,De vos yeux sure mon front