Télégramme
C’est un télégramme pour Marie Bélage,Dans la cour, escalier B, cinquième étage,Troisième porte à gauche, deux marches à descendre,Frapper fort pour qu’elle puisse vous entendre.Le p’tit facteur grimpe quatre à quatre.Un vieille demoiselle vient ouvrir.D’une voix dure et acariâtre,Elle dit « merci » puis se retire.Elle ouvre en tremblant la dépêche.En général, on n’aime pas ça.Elle lit tout haut, la gorge sèche,Puis elle relit dix fois tout bas.« Serai Orly – huit heures – deux mai –Suis impatient – suis fou de joie –Je vous adore plus que jamais –Amour – baisers – signé – François... »Elle retourne vingt ans en arrière.Comme ils s’aimaient, il y a vingt ans,Mais ses parents hélas, le refusèrent.Il n’avait pas un sou vaillant.« Je reviendrai fortune faite. »Lui a-t-il dit. « Je t'attendrai.Je veux aussi que tu promettesQue tu ne m’oublieras jamais. »Il est parti – les mois, les années passent.Elle est toute seule devant la vie.Beauté, fraîcheur, jeunesse… tout s’effaceEt plus d’argent, donc plus d’amis…Les voyageurs arrivant du Mexique,Ah le voilà ! Comme il est grand !Ses tempes grises lui donnent l’air poétique.Il est plus beau qu’il y a vingt ans.Elle est toute pâle et ses mains brûlent.Comme il bat fort son pauvre cœur.Il vient vers elle, il la bouscule.« J’vous demande pardon ! Dites-moi, porteur !Je cherche une dame élégante et très belle.De grands yeux bleus, des cheveux blonds,Plutôt petite... Attendez ! J’crois que c’est elle...Ah ! Non, ce n’est pas elle...J’vous demande pardon ! »Vous n’auriez pas vu une dame blonde –Élégante – très belle –Vous n’auriez pas vu une dame blonde –Élégante – très belle –Vous n’auriez pas vu…