Elle fréquentait la Rue Pigalle
Elle fréquentait la rue PigalleElle sentait le vice à bon marchéElle était toute noire de péchésAvec un pauvre visage tout pâlePourtant y avait dans le fond de ses yeuxComme quelque chose de miraculeuxQui semblait mettre un peu de ciel bleuDans celui tout sale de Pigalle.
Il lui avait dit : « Vous êtes belle. »Et d’habitude, dans ce quartier-là,On dit jamais les choses comme çaAux filles qui font le même métier qu’elle ;Et comme elle voulait se confesser,Il la couvrait toute de baisers,En lui disant : « Laisse ton passé,Moi, je vois qu’une chose, c’est que tu es belle. »
Y a des images qui vous tracassent ;Et quand elle sortait avec lui,Depuis Barbès jusqu’à ClichySon passé lui faisait la grimace.Et sur les trottoirs plein de souvenirs,Elle voyait son amour se flétrir,Alors, elle lui demanda de partir,Et il l’emmena vers Montparnasse.
Elle croyait recommencer sa vie,Mais c’est lui qui se mit à changer,Il la regardait tout étonné,Disant : « Je te croyais plus jolie,Ici, le jour t’éclaire de trop,On voit tes vices à fleur de peau,Vaudrait peut-être mieux que tu retournes là-hautEt qu’on reprenne chacun sa vie. »
Elle est retournée dans son Pigalle,Y a plus personne pour la repêcher,Elle a retrouvée tous ses péchés,Ses coins d’ombre et ses trottoirs sales.Mais quand elle voit des amoureuxQui remontent la rue d’un air joyeux,Y a des larmes dans ses grands yeux bleusQui coulent le long de ses joues toutes pâles.