Coup de grisou
C'était un homme sans condition,Un type qu'avait pas d'ambition,Pourtant, Bon Dieu ! qu'il était fort.Il n'avait pas d'situationEt il travaillait au charbonDans les villes noires du Nord.On l'avait appelé : « Coup d'grisou. »Un jour qu'il était en colèreEt qu'il avait mis sens d'ssus d'ssousTout un bistro avec les verres.À force de peiner dans le noir,Il n'aimait qu'la couleur du soir.Le soleil lui brûlait les yeux.Le grand jour l'empêchait d'parler.C'était un dieu d'l'obscurité,Un dieu bien triste et malheureux,Un dieu bien triste et malheureux
Car il aimait par-dessus toutUne fille des plaines aux cheveux roux,Roux comme les sarments des vignes,Des cheveux où la lumière pleut.Ça l'forçait à cligner des yeuxComme si l'soleil lui faisait signe.Ell' l'emmenait dans les moissonsPar les frais chemins du dimanche.Tout était clair, tout était blondEt la clarté prenait sa r'vanche.Ça lui f'sait mal derrière le frontMais il faisait des concessions.Dame, il essayait d'être heureux.C'est comme ça qu'on perd un amour.Elle l'a trompé par un beau jourAvec un qui aimait l'ciel bleu,Avec un qui aimait l'ciel bleu.
Quand « Coup d'grisou » a tout appris,Il travaillait au fond du puitsTout luisant de reflets tout noirsPendant dix s'condes il n'a rien ditEt puis d'un seul coup ça l'a pris.Ah ! c'était pas joli à voir,Rien qu'à l'entendre on s'demandaitSi l'diable n'était pas sous terre.Probable que ça lui ressemblaitPuisqu'il a tout foutu par terre.Quand l'vrai grisou s'en est mêlé,À eux deux, ils ont fait sauterLa terre, la mine et tout l'fourbi !Après trois jours on l'a r'montéAvec sa part d'éternitéEt quand on l'a sorti du puits,La lumière se moquait de lui.Le soleil donnait un galaPour l'embêter une dernière foisMais Coup d'grisou était guéri :Il avait épousé la nuit...