Respire
Approche-toi petit, écoute-moi gamin,je vais te raconter l’histoire de l’être humain.Au début y avait rien, au début c’était bien.La nature avançait, y avait pas de chemin.Puis l’homme a débarqué avec ses gros souliers,des coups de pieds dans la gueule pour se faire respecter,des routes à sens unique il s’est mis à tracer,les flèches dans la plaine se sont multipliées.Et tous les éléments se sont vus maîtrisés,en deux temps trois mouvements l’histoire était pliée.C’est pas demain la veille qu’on fera marche arrière,on a même commencé à polluer le désert.
Il faut que tu respires, et ça c’est rien de le dire.Tu vas pas mourir de rire, et c’est pas rien de le dire.
D’ici quelques années, on aura bouffé la feuilleet tes petits-enfants, ils n’auront plus qu’un œilen plein milieu du front ; ils te demanderont,pourquoi toi t’en as deux, tu passeras pour un con.Ils te diront, comment t’as pu laisser faire ça.T’auras beau te défendre, leur expliquer tout bas :« C’est pas ma faute à moi, c’est la faute aux anciens »,mais y aura plus personne pour te laver les mains.Tu leur raconteras l’époque où tu pouvaismanger des fruits dans l’herbe allongé dans les prés,y avait des animaux partout dans la forêt,au début du printemps, les oiseaux revenaient.
Il faut que tu respires, et ça c’est rien de le dire.Tu vas pas mourir de rire, et c’est pas rien de le direIl faut que tu respires, c’est demain que tout empire.Tu vas pas mourir de rire, et c’est pas rien de le dire.
Le pire dans cette histoire, c’est qu’on est des esclaves,quelque part assassins, ici bien incapablesde regarder les arbres sans se sentir coupables,à moitié défroqués, cent pour cent misérables.Alors voilà petit, l’histoire de l’être humain.C’est pas joli joli, et je connais pas la fin.T’es pas né dans un chou, mais plutôt dans un trouqu’on remplit tous les jours comme une fosse à purin.