Monsieur Ernest a réussi
Je suis vestiaire au restaurantDu Lion d'Or et de l'Écu d'France.Monsieur Ernest y vient souventEt chaqu'fois il m'fait des avances.Il m'a si bien entortillée,Parlé de « cœur » et de « chaumière »,Qu'un jour enfin, j'ai accepté,Pour lui, de quitter mon vestiaire.Monsieur Ernest a réussi.On est parti un soir de fête.Il m'a si bien tourné la têteQu'on ne s'est pas quitté d'la nuit.Depuis ce jour, je vis chez lui,Dans sa petite chambre au septième.On n'a pas un sou mais je l'aime.Monsieur Ernest a réussi.Monsieur Ernest est entêté.Monsieur Ernest est arriviste.Quand il veut quèque chose, c'est gagné.Faut dire c'qui est, rien n'lui résiste.Il a parié que dans un an,Il serait au moins millionnaire.Il gagne maintenant tellement d'argentQu'il ne sait même plus qu'en faire.Monsieur Ernest a réussi.Il a maintenant tell'ment d'affairesQu'il a besoin d'trois secrétaires.Il traite avec tous les paysDans son hôtel d'la rue d'Passy.Il travaill' tant qu'il se surmène.Il vient m'voir un'fois par semaine.Mon Ernest a réussi.Monsieur Ernest m'a dit l'autre jour :« J'ai trouvé une riche héritière.Naturellement c'est pas d'l'amour,Mais il y va de ma carrière.Tiens, prends toujours un peu d'argent.Cela te permettra d'attendreEt si tu trouves un autre amant,Il n'y a qu'à moi qu'j'pourrai m'en prendre. »Monsieur Ernest a réussi.Il n'a pas brisé sa carrière.Moi, j'ai retrouvé mon vestiaire.Y a rien à faire, c'est la vie.Monsieur Ernest est v'nu l'autre soir.Il était même avec sa dame.Moi, j'avais peur qu'ça n'fasse des drames.Il m'a filé cent sous d'pourboire.Monsieur Ernest a réussi.