La lettre
Si tu lis cette lettre, c'est que j'ai dû m'absenterUn peu avant que t'arrives mais je pouvais pas resterLe taxi attendait. Que faire ? Je sais plus par où commencerJ'avais plein de choses à dire mais pour écrire je suis bloquéMais je vais me lancerTu sais, la vie, c'est pas toujours comme on veutC'est souvent comme on peutEt j'ai fait comme j'ai pu pour que ton père vive mieuxJe lui ai appris la valeur de l'argentParce que dans ma famille, un franc c'était un francGagné durement. Le mien s'est tué au boulotManque de pot, je portais pas de poloJ'étais pas en guenille non plus mais au goûter y'avait pas de PépitoLe préau était un stade de foot, un champ de shootEt sur les bancs de la classe y'avait pas fouleFais pas comme moiL'école ça aide des fois, plus tard tu t'en aperçoisAvant de t'en mordre les doigtsBosse et ne baisse pas les brasPense à celle qui va se faire tant de souci pour toiA chaque fois que tu sortirasCelle qui te bordera toutes les nuitsEt les jours où tu seras en colère après elle, repenses-yT'en auras jamais deux comme ça, retiens çaEt n'écoute pas les cons qui pensent qu'un homme ça ne pleure pasCrois-moi, et si j'ai pu partir un doigt levéPied de nez à la guigne, finalement j'ai gagnéA travers toi je m'en suis tiréTe demande pas pourquoi, j'ai la réponse iciIl fallait que je parte pour que tu viennes; c'était écrit, petit
(refrain)Il va te falloir beaucoup d'audace, pas mal de couragePour éviter les crasses semées par ton entourageEt si un jour t'es vraiment mal barréY'a toujours deux personnes sur qui tu peux compter, et ça tu le saisIl va te falloir beaucoup d'audace, pas mal de couragePour éviter les crasses semées par ton entourageEt si un jour t'es vraiment mal barréY'a toujours une personne à qui tu peux penser, et ça tu le sais
On choisit pas ses parents, t'es pas trop mal tombéPense à ceux qui vivent au foyer avant de grimacer devant ta puréeTu subiras un peu les vannes des potes plus à la modeFais pas un flanc à ta mère pour une paire de bottesJ'ai transmis mon art à mon fils, il te le transmettraJ'espère, plus tard, comme ça tu seras paré pour les bagarres au lycéeTu vas te chiffonner pour un "ta mère la pute", même si c'est pas vraiJe sais, je l'ai fait; s'il fallait je recommenceraisIl t'apprendra à ne pas craindre la nuitIl te dira que c'est pas grave si tu pisses au lit, lui le faisait aussiIl te dira que le sang est le même pour tous, seules les couleurs changentOn finit de la même façon : on tend la main aux angesIl n'y a qu'une chose qu'il ne dira pasFaudra que tu le devines dans son regardEntre hommes on se comprend, on parle pasMon père n'était pas bavard non plusParaît que j'ai le même caractèreC'est vrai qu'au tien j'ai rien de plusFaudra que tu comprennes, que tu sois indulgentNe joue pas les enfants gâtés le jour où pour sortir il te manquera des francsC'est mon seul regret. J'aurais voulu être làTe faire sauter sur mes genous, devenir gâteux quand je te voisTant pis, c'était pas marqué sur mon carnet de santéLe doc a dit que je pouvais pas rester, alors j'ai dû m'envolerMais si tu te sens trop seul, larguéY'a toujours une personne à qui tu peux penser et ça tu le sais
(refrain)
Tu le sais...