Sophie Calle no. 108
Nom de Dieu, ouvre la bouche, je t’en supplieTes mots me tiennent à la vie, dis quelque choseMon amour, ton silence pervers est trop lourd il me démolitJe t’en prie, dis quelque chose
Même si aujourd’hui, tout ce qui a été beau exploseMême si les lauriers fanent plus vite que les roses
J’écarte d’une main, peu sûre, les cheveux, de tonvisage, tu n’es plus jolieLa tristesse a attaqué ton regard à la piocheJe crois que cette fois, c’est bien fini
On se croyait plus forts, on emmerdait la mort,On est si peu de choseLes lauriers fanent plus vite que les roses
On encaisse moins bien les coups basOn négocie moins bien les viragesJe n’suis plus ton héros qui te serrait fortQuand tu avais peur du terrible oragePour éclairer tes yeux qui te racontait mille fois comment serait notre mariage
Mais aujourd’hui, tout ce qui a été beau exploseLes lauriers fanent plus vite que les roses
On est ruiné, regarde comme la vie à deux fait parfois des ravages,Et encore on a évité de peu ce putain de mariageToutes ces nuits pourries, à colmater la faille, à faire du collageOn ne peut pas tout reprendre au début, faire l’emballage
On ne fait plus les beaux, on ne prend plus la poseLes lauriers fanent plus vite que les roses
Regarde-moi, ne baisse pas les yeux, tu va tourner la pageTu vas trouver bien mieux, un qui en veut, un qui a la rageUn qui vit pas comme un vieux, qui à pas la mort toujours dans les paragesUn qui croque, la vie, sans partage
Ouvre la bouche, je t’en supplie, dis quelque choseMême si aujourd’hui, tout ce qui a été beau exploseMême si les lauriers fanent plus vite que les roses.