Naghi
Naghi, je jure sur ton sens de l'humour,
Sur cet exilé, qui croit qu'il est là pour critiquer, (Najafi s'en prend à la lâcheté de la diaspora iranienne qui ne fait que critiquer les Iraniens de l'intérieur sans jamais rien apporter)
Sur le gros pénis qui donne la vie,
Qui s'assied derrière nous et nous menace,
Je jure sur la taille des sanctions, (les sanctions occidentales qui frappent l'Iran pour son programme nucléaire, mais surtout le peuple)
Sur la valeur grandissante du dollar et le sentiment d'humiliation, (le dollar américain a subi une hausse spectaculaire vis-à-vis du rial iranien au cours des derniers mois)
Naghi, je jure sur la pancarte de l'Imam (À l'occasion du 33e anniversaire de l'arrivée de l'ayatollah Khomeiny en Iran, le gouvernement a organisé une reconstitution de sa descente d'avion. Pour ce faire, il a fabriqué une pancarte taille réelle, à son effigie, s'attirant les quolibets des Iraniens)
Sur le bébé qui s'est écrié "Ali" dans le ventre de sa mère, (Référence au sermon de l'Ayatollah Mohamad Saidi de Qom, qui a déclaré que le Guide suprême, l'Ayatollah Ali Khamenei, était sorti du ventre de sa mère en criant "Vive Ali", du nom du premier Imam chiite)
Sur l'enseignement de la jurisprudence dans les salles d'opérations du nez, (Najafi oppose la jurisprudence islamique imposée par les mollahs au fait que l'Iran demeure en réalité un des leaders au monde en matière de rhinoplastie)
Sur Khamenei, les chapelets et les tapis de prière made in China, (Najafi souligne le fait que l'Iran importe tout de Chine, y compris les objets religieux)
Naghi, je jure sur les doigts de Sheys Rezaei, (Sheys Rezaei est un joueur de football iranien qui a été exclu de son équipe de Persepolis pour avoir mis une main au postérieur de l'un de ses coéquipiers lors de la célébration d'un but)
Sur la religion qui a été exclue et le football qui est devenu religieux, (le rappeur affirme que la religion est désormais rejetée par beaucoup de jeunes, tandis que le football, très populaire en Iran, est totalement contrôlé par le gouvernement).
Oh Naghi, maintenant que l'Imam caché est endormi, nous t'appelons,
Oh Naghi, apparais, car nous nous tenons prêts dans nos linceuls, (Najafi s'en prend au culte du martyr, savamment entretenu par les autorités. Ainsi, nombre de miliciens bassidjis se disent prêts à se sacrifier au nom de la religion et du Guide)
Naghi, je jure sur l'amour et le Viagra,
Sur les jambes écartées et les chakras,
Sur le pain sangak (spécialité iranienne), le poulet, la viande et le poisson (leur prix a augmenté considérablement ces dernières années, si bien qu'en consommer est devenu un luxe)
Sur les seins siliconés et la virginité souillée, (le rappeur dénonce ici la hausse fulgurante des opérations esthétiques, ainsi que l'hypocrisie de la société sur la virginité des jeunes femmes)
Naghi, je jure sur les seins de Golshifteh, (voir l'affaire Golshifteh Farahani)
Sur le prestige perdu que nous n'avons jamais eu, (Le rappeur regrette que les jeunes Iraniens ne cessent de se référer aux gloires de l'empire perse pour mieux évacuer leur frustration actuelle)
Naghi, je jure sur l'héritage aryen, (Les Iraniens ne cessent de se réclamer de leurs origines aryennes)
Sur le collier que tu portes autour de ton cou, (Najafi se réfère ici au collier zoroastrien (l'une des premières religions monothéistes) que portent beaucoup d'Iraniens, en Iran comme à l'étranger, en souvenir de leurs origines perses préislamiques)
Naghi, je donnerai ma vie pour le pénis de Farnood, (Le rappeur évoque un incident survenu en direct à la télévision iranienne. Lors d'une émission pour enfants, la présentatrice demande au public quelles tâches ménagères il sait faire tout seul. C'est alors qu'un enfant, dénommé Farnood, lui répond qu'il sait se laver le pénis, provoquant l'embarras de la journaliste)
Pour les 3 milliards de dollars, aussi vite oubliés qu'un conte pour enfants, (Najafi pointe du doigt le cas Amir Mansour Khosravi, ancien ministre des Finances de Mahmoud Ahmadinejad, qui s'est rendu coupable l'année dernière de la plus grande fraude bancaire de l'histoire de l'Iran)
Et le Golfe persique, et la lac Orumieh, (Le rappeur dénonce les tentatives gouvernementales de s'attirer les faveurs de la population, en relançant les causes nationalistes, comme celle de l'appellation du Golfe persique, que Google Maps a récemment supprimé de son site. Pendant ce temps, les autorités sont en train d'assécher le lac d'Orumieh, vital pour l'économie du nord-ouest du pays, la région azéri).
Et, au passage, quel était le nom des leaders du mouvement vert ? (Najafi rappelle que les deux chefs de l'opposition iranienne, Mehdi Karoubi et Mir Hossein Moussavi, sont toujours emprisonnés chez eux, dans l'indifférence la plus totale)
Sur l'anniversaire de la mort de cet imam péteur, (Le rappeur se réfère à un nouvel incident survenu en direct à la télévision iranienne, où un journaliste, au lieu d'annoncer que la mort de l'ayatollah Khomeiny avait déchiré son coeur, a accidentellement parlé de mort "pétant dans son coeur")
Sur l'opposition fossilisée de la diaspora, (L'opposition iranienne à l'étranger s'illustre depuis 30 ans par ses déchirements internes)
Sur les luxueuses veuves qui fréquentent les boîtes de nuit, (Le rappeur dénonce le côté superficiel des Iraniens)
Sur les discussions intellectuelles dans les chat rooms, (Les Iraniens affluent sur la Toile pour draguer)
Sur les hommes débauchés qui parlent d'honneur, (nombre de maris se vantant d'avoir un sens aigu de l'honneur fréquentent en réalité des prostituées en Iran)
Sur les femmes qui défendent les droits des hommes, (Najafi parle des quelques Iraniennes conservatrices au pouvoir, qui ne se battent pas pour le droit des femmes)
Sur la révolution de couleur, à la télévision, (lors des émeutes de la révolution verte, le gouvernement est allé jusqu'à diffuser un match en noir et blanc parce que les supporters arboraient des banderoles vertes, couleur de l'opposition)
Sur les 3 % de la population qui lit des livres, (Najafi s'attaque au caractère superficiel de la population, même si nombre de livres ont été censurés depuis l'arrivée d'Ahmadinejad)
Sur les slogans vides et insipides, (le rappeur regrette que les slogans scandés par l'opposition lors des manifestations de 2009, quoique ingénieux et osés, se soient révélés totalement inefficaces)
Naghi, je jure sur cette foule de gens instables,
Qui le matin, annoncent "Longue vie... !" et le soir crient "Mort à !" (Le rappeur s'insurge contre la duplicité et l'hypocrisie des Iraniens qui le matin, sur leur lieu de travail, s'efforcent de paraître favorables au régime, avant de s'époumoner contre lui, sur les toits, dès la nuit tombée.)