L'amandier
J'avais le plus bel amandierDu quartierEt, pour la bouche gourmandeDes filles du monde entier,Je faisais pousser des amandesLe beau, le joli métier !
Un écureuil en jupon,Dans un bond,Vint me dire : « Je suis gourmandeEt mes lèvres sentent bonEt si tu me donnes une amandeJe te donne un baiser fripon ! »
« Grimpe aussi haut que tu veux,Que tu peuxEt tu croques et tu picores,Puis tu grignotes, et puis tuRedescends plus vite encoreMe donner le baiser dû ! »
Quand la belle eût tout rongé,Tout mangé,« Je te paierai, me dit-elleÀ pleine bouche, quand lesNigauds seront pourvus d'ailesEt que tu sauras voler ! »
« Monte m'embrasser si tu veux,Si tu peux,Mais dis-toi que, si tu tombesJe n'aurais pas la larme à l'œil,Dis-toi que, si tu succombes,Je ne porterai pas le deuil ! »
Les avait, bien entendu,Toutes mordues,Toutes grignotées, mes amandes,Ma récolte était perdueMais sa jolie bouche gourmandeEn baisers m'a tout rendu !
Et la fête dura tantQue le beau temps,Mais vint l'automne, et la foudre,Et la pluie, et les autansOnt changé mon arbre en poudreEt mon amour en même temps !