Lettre à Zoé
Zoé, Zoé aujourd'hui j'ai huit ans,Les mots qu'on m'avait appris ont disparu,J'ai du mal à faire des phrases construites comme il faut,Mais pour une fois j'en ai pas envie, c'est comme si mon esprit était à moitié éteint,Qu'une partie était restée avec toi là-bas.Le paysage défile par la fenêtre du train,Qui nous emmène à nouveau et j'me dis :
C'est beau les plaines,C'est beau le mois de juin,C'était beau hier,C'était beau ce matin,C'est beau les filles quand les choses sont douces,Sans violence ni dépit j'avais failli oublier depuis le temps.Cette nuit à côté de toi c'était comme du lait, comme du coton qui m'a enveloppé de nulle part.Si on me l'avait dit j'y aurais pas cru,Alors j'me repasse le film en continu.
Les images de la veille se superposent au détail du wagon,Elles flottent devant mes yeux comme sur la houle.J'te revois perdue dans la foule avec tous ces mongoles bourrés qui dansent n'importe comment.Et j'me revois, moi, essayant d't'atteindre en évitant les gens qui hurlent et font des grands gestes absurdes.Et toi qui attends, terrorisée, au milieu du chaos,Et puis tes joues et puis ta peau.
Et moi qui croyais que j'étais pas comme il fallait.Qu'il fallait que j'tire une croix, qu'tu voulais plus, qu'tu voulais pas.J'me suis perdu, j'ai bu la tasse, pour les bras d'une infirmière, j'me suis conduit comme une crasse.Et moi qui croyais que j'étais pas comme il fallait.Qu'il fallait que j'tire une croix, qu'tu voulais plus, qu'tu voulais pas.Mais si tu m'jures que tout ça c'est du passé,Alors d'accord on tire un trait, on r'commence à s'apprivoiser.
Zoé, Zoé aujourd'hui j'ai huit ans,Et j'voudrais qu'ça dure un peu,J'écoute absolument pas ce qu'on me dit,J'fais semblant d'être assis à mon siège,Les gars m'parlent mais c'est comme si on était de part et d'autre d'une porte vitrée.Je r'garde le paysage défiler par la fenêtre du train qui nous emmène à nouveau,Et j'me dis :
C'est beau les champs,C'est beau le mois de juin,C'était beau hier,C'était beau ce matin,C'est beau les filles quand y a pas de peur, pas de dégoût, pas de mépris,Quand les choses sont limpides.Cette nuit à côté de toi c'était comme une lueur dans les profondeurs.Je m'suis enfin senti reprendre des couleurs,Si on me l'avait dit, j'y aurais pas cru.Alors j'me repasse le film en continu.
Les images de la dernière fois se superposent au détail du wagon,Elles dansent par dessus le monde matériel.J'te revois sur l'herbe au bord du fleuve,J'revois la forme des nuages, les péages, les routes, les villages.Et j'nous revois dans le nuit chaude tout à l'heure.Le vent dans tes cheveux les lampadaires qui défilent en orange.Et toi qui t'excuses en pleine rue,Et puis tes larmes et puis tes bras.
Et moi qui croyais que j'étais pas comme il fallait.Qu'il fallait que j'tire une croix, qu'tu voulais plus, qu'tu voulais pas.J'me suis perdu, j'ai bu la tasse, pour les bras d'une infirmière, j'me suis conduit comme une crasse.Et moi qui croyais que j'étais pas comme il fallait.Qu'il fallait que j'tire une croix, qu'tu voulais plus, qu'tu voulais pas.Mais si tu m'jures que tout ça c'est du passé,Alors d'accord on tire un trait, on r'commence à s'apprivoiser.
Zoé, Zoé aujourd'hui j'ai huit ans,Et j'espère que toi aussi.J't'imagine en train d'émerger de cette nuit un peu courte,Ton pas léger sur le béton nu.J'croise les doigts pour que tu sois comme moi,Dans un état un peu second.Et qu'tu regardes, rêveuse, les rails au loin,En espérant voir passer le train qui nous emmène à nouveau et qu'tu t'dis :
C'est beau l'été,C'est beau le mois de juin,C'était beau hier,C'était beau ce matin,C'est beau les garçons quand ils sont gentils et droits,Qu'ils sont vertueux, même s'ils sont un peu maladroitsCette nuit à ses côtés c'était spécial et nouveau,Et moi qui pensais t'connaître, j'me suis trompé.Si on me l'avait dit, j'y aurais pas cru.Zoé j'espère que tu t'repasses le film en continu.
Que les images se superposent au détail de ta chambre,Qu'elles flottent au dessus de ton lit défait.Quand on a traversé la ville dans la chaleur naissante,Et qu'sur le coup la crasse et la laideur ont paru presque supportables.Zoé j'ai peur de souffrir comme toi,J'suis plus habitué à ça.J'sais pas où ça va nous mener mais j'crois qu'il faut qu'on s'donne les moyens d'être fixés.Faut qu'on se revoit.
Et moi qui croyais que j'étais pas comme il fallait.Qu'il fallait que j'tire une croix, qu'tu voulais plus, qu'tu voulais pas.J'me suis perdu, j'ai bu la tasse, pour les bras d'une infirmière, j'me suis conduit comme une crasse.Et moi qui croyais que j'étais pas comme il fallait.Qu'il fallait que j'tire une croix, qu'tu voulais plus, qu'tu voulais pas.Mais si tu m'jures que tout ça c'est du passé,Alors d'accord on tire un trait, on r'commence à s'apprivoiser.