L'architect
Il avait du talent en danseIl est devenu architecteIl était doué pour les lettres et les languesIl parlait à ses plantesIl faisait des miracles en cuisineMélangeait des épices divines
Mais son père, le dimanche, occupé à boire son apéroN’a jamais, semble-t-il, remarqué que son fils était beau
Il était mordu de musiqueIl est devenu architecteIl était à ses heures poète et pianisteIl s’entourait d’artistesIl finissait toujours en cuisineÀ jongler avec des clémentines
Mais son père, le dimanche, au souper, devant son numéroN’a jamais, semble-t-il, remarqué que son fils était beau
Il aurait pu vivre de théâtreIl est devenu architecteIl citait par cœur tant Camus que SocrateQu’il avait lus en cachetteIl jetait ses vestons, ses cravates
Torse nu, il faisait l’acrobate
Mais son père, le dimanche, ignorait les prouesses de son filsEt ne parlait jamais que du prochain projet d’édifice
Il est demeuré architecteIl a dessiné des merveillesA jonglé avec des compas et des règlesUn crayon sur l’oreilleLe veston, la cravate bien en placeEn attendant son whisky sur glace
Comme son père le dimanche, quand sonnait l’heure de son apéro
Il avait du talent en danseIl est devenu un peu raideMais parfois encore il se lève et s’élanceEt les pas se succèdentLe voilà qui tournoie d’vant la glaceIl revoit le p’tit gars, le gymnaste
Que son père, le dimanche, semble-t-il, n’a jamais trouvé beau !
Et son père, un dimanche, s’est enfui dans son dernier reposSans jamais avoir vu, semble-t-il, que son fils était beau.