Le Chacal
On l'avait surnommé le Chacal.C'était un type phénoménal,Un grand, aux épaules magnifiques,L'air d'un sauvagage, un peu crâneur.Il avait décroché mon curComme ça, d'un sourire ironique,Le soir, à l'heure de l'apéro.Il s'amenait dans notre bistro,Toujours tout seul, sans un copainEn fredonnant un drôle de r'frain.
Pan Pan l'Arbi... C'est le Chacal qu'est par ici.Y s'mettait au bout du comptoir,Le r'gard lointain comme sans rien voir.J'attendais toujours qu'il me cause,Qu'y remue un peu, qu'y fasse quèque choseMais il restait indifférentEt sifflotait entre ses dents :Pan Pan l'Arbi... C'est le Chacal qu'est par ici.
Personne connaissait son boulotEt on parlait derrièr' son dos.On disait : « Qu'est c'qu'y manigance ? »Les hommes le r'gardaient par en d'ssous.Les femmes lui faisaient les yeux doux.Parfois y avait de grands silences.La peur montait dans les cervaux.« C'est p't'être un flic, ce gars costaud ? »Mais lui souriait avec dédainEt leur crachait toujours son refrain.
Pan Pan l'Arbi... C'est le Chacal qu'est par ici.Les mains dans les poch's du veston,Y' semblait dire : « Venez-y donc ! »J'attendais toujours qu'il leur cause,Qu'y r'mue un peu, qu'y fasse quèque choseMais il restait indifférentEt sifflotait entre ses dents :Pan Pan l'Arbi... C'est le Chacal qu'est par ici.
Et puis un soir qu'il f'sait très chaud,Qu'les nerfs étaient à fleur de peauEt qu'ça sentait partout l'orage,Comme il gueulait son sacré r'frainUn homme sur lui leva la main,Alors il bondit pris de rage.Il s'est battu sans dire un motMais eux les lâch's, ils étaient trop...Et tout d'un coup, j'l'ai vu tomber...Alors seul'ment il m'a parlé :
Pan Pan l'Arbi,Les salauds qu'est c'qu'ils m'ont misEt puis il a fermé ses yeuxEn soupirant : « Ça vaut p't-être mieux. »Moi, j'avais froid, comme de la fièvre,Mais j'ai voulu goûter ses lèvresAu moins une fois, car je l'aimais !On a jamais su c'qu'il cherchaitPan Pan l'Arbi,Plus de Chacal... C'était fini...