Tunnel
On a parfois le cœur soulevé par la sauvagerie du monde. On est écœuré par la montée de nouvelles tyrannies, le raffinement des anciennes, par les mensonges, l'odeur du fumier dans les villes et l'horreur qui pèse sur tous nos lendemains.
On s'engloutit alors dans un sombre désespoir. On a peur, on a honte et on est triste d'être humain. On réclame en pleurant une naissance nouvelle ou du moins l'admission par baptême dans une nouvelle confrérie.
Mais on redoute de ne pouvoir obtenir ni l'une ni l'autre. Que le monde refuse de s'arrêter pour nous. Et qu'on ne peut que le quitter d'un bond, pour plonger dans une douteuse éternité.
Notre foyer lui-même nous semble hostile, comme si tous les talismans qui définissaient notre identité s'étaient retournés contre nous. On se sent déchiré, mis en pièces et en morceaux. On comprend alors avec terreur que si on ne peut pas s'asseoir pour réunir ces morceaux et les assembler à nouveau, on va devenir fou.
Mais parfois se produit pourtant une manière d'événement mystérieux et éblouissant, qu'on contemple encore longtemps après avec un émerveillement mêlé du respect qu'impose le sacré